Traduction de la Revue Hollandaise DE KATHOLIEK, février-mars 1902.
Cette brochure vaut un compte rendu.



Dom Paul rappelait donc bien saint Malachie, dont saint Bernard témoigne : « Il considérait comme siennes propres les misères de ceux qui imploraient son assistance, mais avec cette différence qu'il supportait patiemment ses propres peines, tandis que sa compatissance se manifestait le plus souvent avec impatience ».

Également saint Séverin, dont Montalembert écrit :

« Tout endurci qu'il fût par le jeûne et la mortification, il se sentait affamé quand ils (les prisonniers) avaient faim et frissonnait avec eux quand le froid venait saisir leurs corps dépouillés (Les Moines d'Occident, T. I. p. 279).

La preuve la plus convaincante qu'il s'agit ici d'un vrai saint, nous est fournie par l'auteur, c'est le témoignage de ses frères en religion ! Presque jamais il ne leur parlait des prodigieuses et continuelles faveurs dont il comblait tous ceux qui s'adressaient à lui. Aussi l'étonnement des Bénédictins fut-il général lorsque, peu après son décès, ses faits prodigieux se racontaient partout.

Il disait à l'Évêque de Gand : « Monseigneur, je ne suis rien et je ne sais rien ». Une religieuse lui avant demandé à qui elle avait l'honneur de parler ? il répondit : « JE SUIS L'AMOUR DE DIEU ».

Or, L'AMOUR DE DIEU l'ayant pleinement autorisé à demander pour les autres et Dom Paul lui-même étant déjà tout amour pour le prochain, on conçoit aisément, et les faits le démontrent, que son amour humain, impuissant en lui-même, puisait à pleines mains tout ce qui pouvait être utile aux nombreuses misères qu'on lui dévoilait. Il guérissait même le bétail, sachant que le Psalmiste dit : « Vous sauverez, Seigneur, les hommes et les bêtes ». (Ps. XXXV. 7).

Le vif intérêt qu'il prenait à toutes les infortunes le fait beaucoup ressembler à saint Vincent de Paul. Mais l'on sait que la diversité caractérise toutes les œuvres de Dieu et ne se révèle pas moins chez les saints personnages. Le bréviaire dit à bon droit de chaque saint confesseur : « Nul ne l'a égalé dans l'observance de la loi du Très-Haut ». Dom Paul faisait des prodiges par amour, saint Vincent pratiquait un prodigieux amour dans les œuvres.

Passons aux faits prodigieux. L'auteur en mentionne plus de 500, où Dom Paul se montre thaumaturge, prophète ou clairvoyant dans les choses les plus cachées. J'en cite quelques-uns.

En 1880, le médecin avait conseillé de faire administrer un malade sur le point de mourir. À 3 heures de l'après-midi, sa femme va voir Dom Paul qui fait avec elle une courte prière pour le moribond. À 3 heures et demie le malade quitte le lit et va dire à son fils : « Je me sens guéri, donne-moi à manger ». C'était vrai et, en 1897, il se porte encore bien.

Un jeune homme avait un panaris au pouce. Dom Paul touche du doigt le panaris et la guérison est instantanée.

Dom Paul guérit un anthrax au cou d'un Monsieur en y mettant un peu de salive. La Science n'en est pas encore là, ses remèdes demandent du temps pour agir et beaucoup de temps dans les cas suivants.

Une demoiselle d'Anvers, tombée d'un escalier, s'était fait à l'oreille une effrayante blessure, jugée très grave par le médecin, qui, après pansement, avait prescrit un repos absolu. Dom Paul étant venu, fait enlever le bandage et, au grand étonnement des médecins, toute trace de la plaie a disparu.

Au IIIe Livre des Rois, chapitre XIV, il est dit que la femme de Jéroboam mit d'autres habits pour n'être pas reconnue du prophète Ohias, dont l'âge avait affaibli la vue, et alla le consulter au sujet de son fils malade. Dès son entrée, le prophète la nomma et prédit la mort de son fils aussitôt qu'elle rentrerait en ville.

L'auteur raconte qu'une jeune fille alla demander à Dom Paul la guérison de son enfant. Pour donner le change sur son état, elle s'était mis au doigt l'anneau nuptial de sa compagne. Dom Paul lui dit : « L'anneau que vous portez appartient à votre compagne, rendez-le lui, votre enfant mourra ».

Il a prédit un bon numéro à beaucoup de conscrits. On peut, il est vrai, attribuer au hasard les bons résultats obtenus, mais non lorsqu'à un domestique il prédit le numéro 134.

Plein de confiance, un ouvrier alla trouver Père Paul ; un autre ouvrier l'accompagnait, mais par moquerie. Dom Paul prédit à ce dernier que dans trois jours il mourrait, ce qui se réalisa.

Ces faits, qui certainement dépassent les forces de la nature (nous nous joignons ici à l'auteur : « Pour nous conformer aux décrets de S. S. le Pape Urbain VIII, nous entendons ne donner aux faits relatés qu'une valeur purement humaine et nous en soumettons humblement l'appréciation au jugement de notre Mère la Sainte Église »), font présumer que beaucoup d'autres faits consignés, auxquels on pourrait assigner une cause naturelle, proviennent du même pouvoir surnaturel que possédait Dom Paul.

Quant à tous ces faits différents et la manière différente dont ils se sont produits, il sera utile de considérer ce qui suit.

Dans leurs actions, tous les saints ne visent qu'à un but, à Dieu. Ils l'envisagent surtout comme maître suprême ou comme Père d'infinie bonté. L'une de ces considérations prime habituellement l'autre et influe sur leur manière d'agir, soit avec sévérité, soit avec indulgence. Vu que la grâce ne déprime pas la nature, mais l'élève, ainsi la disposition naturelle du personnage influera sur sa manière d'envisager Dieu et de l'imiter dans sa justice ou dans sa clémence (voir Dom Chauvin : « Qu'est-ce qu'un saint ? » p. 11-13).

Or, ce qui caractérisait Dom Paul, c'était la clarté, la douceur, la compassion et, selon la grâce reçue de Dieu, il se nommait lui-même L'AMOUR DE DIEU.

Au sujet de certains autres faits, il sera bon de se rappeler les paroles de saint Bernard : « L'amant paraît parfois insensé, notamment à celui qui n'aime pas » (« De consid. ») !

La brochure contient une série de propos de Dom Paul ; peut-être certains d'entre eux paraîtront-ils à quelques-uns contraires à l'humilité ; — qu'après sa mort on publiera le bien qu'il a fait, mais pas ce qu'il a souffert ; — que son pouvoir au ciel sera plus grand, etc., etc. Remarquons à ce sujet l'article XVI de la Conférence d'lssy, écrit par Bossuet :

« La haute estimation de soi-même, de ses actes ou des grâces reçues, que l'on trouve chez les prophètes et les apôtres, afin de remercier Dieu de ses bienfaits ou dans tout autre but équivalent, est proposé à tous les fidèles, même aux plus parfaits ; la doctrine qui la désapprouverait serait fausse ». (Joly, O. C. p. 152).

On lit dans la vie de saint Antoine de Padoue, qu'au prêtre venant l'administrer, il disait : « Je suis déjà muni intérieurement de cette onction, mais, bien qu'il ne soit pas nécessaire que vous me la donniez, je la recevrai volontiers ». (Pet. Boll. T. IV, 629).

L'auteur dit ensuite que le corps fut mis au caveau des Bénédictins à Appels le 27 février 1896 ; que l'exhumation eut lieu le 24 juillet 1899 en présence des membres de sa famille et d'une trentaine d'autres témoins ; et que, à l'étonnement de tous, le corps fut retrouvé en parfaite conservation. Il relate enfin onze faveurs prodigieuses obtenues par l'intercession du Révérend Père défunt.

De tout ce que contient la brochure il résulte que Dom Paul ressemble aux saints et surtout aux saints thaumaturges, mais il ne nous appartient pas de le prouver. Il est pourtant intéressant de constater qu'à la fin du siècle dernier, chez un peuple au courant des sciences modernes, il s'est trouvé un homme dont les faits prodigieux ont fourni matière à tout un livre, publié sans crainte. Et qu'en dira la Science ? Elle émettra des doutes au sujet de maints cas non suffisamment prouvés. Tel est son droit. Cependant il lui est impossible de qualifier de naturels beaucoup d'autres faits, où elle ne peut nier l'intervention d'une autre puissance. Et la grande leçon qui s'en dégage, c'est d'être prudent dans la critique et ne pas légèrement taxer d'exagération les auteurs de Vies des thaumaturges. « L'œuvre de la critique contemporaine est de discerner AVEC RESPECT les faits controuvés des faits réels, œuvre délicate au premier chef ». (Dom Chauvin, O. C. p. 52).

Aux entichés de Science moderne qui, sans rien comprendre aux voies de Dieu, discutent de maladies nerveuses, d'hypnotisme, etc., et qui en même temps se permettent de critiquer l'Écriture Sainte et la Vie des saints ; qui, avec les docteurs Corre et Laurent, rapportent tous les prodiges d'un saint Vincent Ferrier et autres thaumaturges à :

« Lucidité, hallucinations télépathiques, suggestions et fascinations », à eux un mot encore.

Dans son bel ouvrage : « Un siècle, mouvement du monde de 1800 à 1900 », A. Lapôtre commence son article LA CRITIQUE, en ces termes :

« Si, au témoignage de l'Écriture Sainte, le juste pèche sept fois le jour, l'expérience démontre que les savants ne se trompent pas moins souvent. Combien de fois donc ne pèchent et ne se trompent ceux qui ne sont ni justes ni savants ? »

Et puis : « La critique de soi-même doit primer et régler toute autre... De nos jours l'on doute de tout et jamais on ne songe à douter de soi-même... Pour quiconque s'estime trop, une question est vite résolue. Tout ce que la critique ébranle ne croule pas ».

Concernant la critique de Bollandus et de ses successeurs, il dit :

« À cette école, le prodige n'est pas écarté pour l'unique raison qu'il n'est pas prouvé... Je le sais, jamais en un tel milieu on ne se persuade que la critique ne peut errer dès qu'elle se met à démolir... Certes, rien de moins blâmable que d'écarter ce qui paraît impossible, mais à condition de ne pas constater des impossibilités dans toutes les lacunes de sa propre science. Pour nier beaucoup doit-on beaucoup savoir et connaître toutes choses. Encore faut-il connaître sa propre valeur et ne pas se croire tout parce que l'on est quelque chose ».

V. A. SPRENGER